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Conscience du phénomène et manque de moyens : le dilemme liégeois du mariage forcé
Difficile, dans notre pays, d’imaginer ne pas pouvoir épouser la personne de son choix. Pourtant, pour de nombreux jeunes Liégeois, filles comme garçons, le mariage forcé est encore une réalité.
Nous avons rencontré une travailleuse sociale liégeoise, Mme Lambert*, qui tente de venir en aide aux victimes du phénomène. Elle nous a livré un constat alarmant de la situation en Province de Liège, et espère le réveil des institutions sociales et politiques.
Tout d’abord il faut rappeler la différence entre mariage arrangé et mariage forcé. Un mariage arrangé est une union proposée par deux familles à un de leurs enfants respectifs, mais qui respecte la volonté des deux éventuels époux. Ils se voient proposer un partenaire, mais peuvent à tout moment refuser l’union, et ce pour n’importe quelle raison.
Le mariage est forcé lorsqu’au moins un des deux époux est contraint de l’accepter, par des
violences physiques et/ou psychologiques. Séquestrations, coups, menaces et chantage, telles sont les stratégies les plus classiques.
« Je travaille seule, pour l’équivalent d’un mi-temps."
Au fond, les réalités du mariage forcé ne varient que très peu dans les différentes régions de Belgique. Cependant, Mme Lambert pointe des particularités du phénomène au niveau liégeois : « On retrouve une forte proportion, environ 50 % de victimes issues d’Europe de l’Est. Aussi, la plupart des jeunes qui viennent vers nous pour de l’aide sont des ados ou de très jeunes adultes, de 14 à 20 ans ».
Si sa mission lui tient à cœur, Mme Lambert se dit à bout, lassée du manque de moyens dans notre province : « Je travaille seule, pour l’équivalent d’un mi-temps. Lorsque je suis en vacances, il n’y a plus personne. Je n’ai plus passé un seul jour de vacances sans qu’on m’appelle pour un cas urgent ». Oui, elle note une large prise de conscience des autorités politiques par rapport à l’existence du mariage forcé en Belgique, mais déplore le manque de moyens. Un constat douloureux, que Mme Lambert résume en une phrase : « Sur le terrain, l’argent ne suit pas ».
*Pour respecter la discrétion nécessaire dans sa mission, son nom a été modifié.